"Je veux faire en sorte de réduire le nombre d'années que les jeunes passent aux études supérieures"
À la veille de la rentrée académique, la ministre-Présidente de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Elisabeth Degryse, qui a l'Enseignement supérieur dans ses attributions, annonce la mise en place en 2026 d'un décret "parcours étudiant", censé mieux accompagner les jeunes durant leur cursus.


- Publié le 11-09-2024 à 06h37
- Mis à jour le 11-09-2024 à 06h58

L'épisode avait marqué l'acte de décès de la majorité PS-MR-Écolo en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB ou Communauté française). Les trois partis s'étaient déchirés, au printemps, sur le sort à réserver au décret Paysage, ou décret Glatigny, du nom de l'ancienne ministre (MR) de l'Enseignement supérieur. PS et Écolo étaient passés en force, contre l'avis du MR, pour faire adopter un décret temporaire allégeant les règles de finançabilité des étudiants dans l'enseignement supérieur (c'est-à-dire les règles de réussite permettant aux étudiants de voir leurs études financées par la collectivité).
Des élections sont passées par là, MR et Engagés ont pris le pouvoir en FWB, et, à la veille de la rentrée académique, la ministre-Présidente Elisabeth Degryse (Les Engagés), en charge de l'Enseignement supérieur, compte remettre l'ouvrage sur le métier.
Avez-vous une évaluation des effets du décret PS-Écolo : le nombre d'étudiants qui restent finançables grâce à l'assouplissement des règles de réussite et l'impact budgétaire ?
Non. On n'a encore aucun chiffre. C'est l'une des difficultés dans l'enseignement supérieur : on n'a pas ce genre de chiffres agrégés. On doit remédier à cela.
PS et Écolo avaient prévu un budget de 5 millions d'euros pour absorber le surplus d'étudiants restant finançables. Sera-ce suffisant ?
À nouveau, sans analyses chiffrées, on ne peut pas évaluer l'impact de ce décret. Mais, pour moi, l'enjeu, maintenant, c'est surtout de construire un cadre stable pour l'avenir. La difficulté de ce décret temporaire PS-Écolo, c'est qu'il a été pris à la hussarde, sans concertation avec le secteur, sur base de chiffres, sans doute largement surestimés, avancés par certains acteurs de l'enseignement supérieur (la Fédération des étudiants francophones estimait que 70 000 étudiants risquaient de se rester sur le carreau avec le décret Glatigny, NdlR)… Ce décret temporaire est valable pour cette rentrée-ci. Après, c'est de nouveau le décret Glatigny qui sera d'application. Mais, pour la rentrée de septembre 2026, je veux avoir mis en place un décret "parcours étudiant" en concertation avec le secteur, en ce compris les étudiants et les acteurs de terrains.
Aujourd'hui, on perd trop d'étudiants qui échouent aux examens de janvier et sortent des radars. On doit pouvoir les accompagner tout de suite et les réorienter.
On aura donc bientôt le décret Degryse, après la version Glatigny qui succédait elle-même au décret Marcourt ?
Écoutez ce que je dis (sourire). Je parle du décret "parcours étudiant". Je n'ai pas besoin que cela s'appelle le "décret Degryse". Mon objectif est de sortir de cet unique enjeu de la finançabilité et de l'inscription aux études. Je veux surtout faire en sorte de raccourcir la durée des études – qui s'était allongée ces dernières années (le décret Marcourt avait eu comme effet pervers que les étudiants mettaient plus de temps à terminer leurs études, NdlR) –, faire en sorte que les étudiants réussissent. Je rappelle que six étudiants sur dix ne réussissent pas leur première année dans le supérieur. Je veux offrir un cadre qui permette à chaque étudiant de se déployer dans ses études et de les réussir. Forcément, quand on rate, cela a aussi un impact sur la santé mentale, sur le bien-être. L'échec scolaire est compliqué à vivre. C'est cela ma priorité : faire en sorte que les jeunes réussissent.
Mais il faudra bien fixer des critères de réussite et donc de finançabilité.
Le gouvernement va fixer des balises. On veut faire en sorte que les étudiants soient correctement orientés dès le début. Assurer dès l'entrée dans le supérieur un accompagnement méthodologique. Prévoir également un "semestre rebond" : aujourd'hui, on perd trop d'étudiants qui échouent aux examens de janvier et sortent des radars ; on doit pouvoir les accompagner durant les six mois suivants, de janvier à juin, et les réorienter. Après, comment est-ce qu'on va traduire ces balises en termes de crédits, d'années de réussite… ? Va-t-on revenir à un système en années d'étude, travailler sur la possibilité de reporter un petit nombre de crédits, revenir au décret Glatigny ? Toutes les pistes sont sur la table. On décidera avec le secteur.
Il est prévu d'instaurer un bilan de compétences avant l'entrée dans le supérieur. N'est-ce pas un filtrage déguisé des étudiants ?
Pas du tout. Chacun pourra faire les choix qu'il veut. On ne fait pas une évaluation, on réalise un bilan. Il s'agit d'aider les futurs étudiants à suivre un cours, à prendre des notes, à faire une synthèse, à avoir une méthodologie de travail. L'enjeu de ce bilan est d'accompagner l'étudiant dans la transition vers le supérieur.
Le bien-être sur les campus et dans le corps enseignant reste un sujet de préoccupations. Selon la récente étude Behaves, une personne sur trois serait touchée par des faits de harcèlement. Que prévoyez-vous pour lutter contre ce phénomène ?
Cette étude, qui a été commandée sous la précédente législature, contient de multiples recommandations permettant de répondre aux problématiques de violences sexistes ou de harcèlement qui touchent toute une série d'acteurs de l'enseignement. Le gouvernement choisira parmi ces recommandations celles qui peuvent être mises en place le plus rapidement possible et sans nécessiter des investissements énormes. On précisera lesquelles lors d'une présentation publique, mais ce problème sera pris à bras-le-corps.