Abus sexuels et manipulations mentales : un documentaire révèle les scandales du bouddhisme tibétain

Les témoignages s’accumulent contre plusieurs chefs spirituels du bouddhisme tibétain. Le dalaï-lama, prix Nobel de la paix en 1989, et son interprète français Matthieu Ricard auraient eu connaissance de ses abus sans pourtant jamais prendre de position officielle sur le sujet, une manière de taire un possible #metoogourou.

Il était une fois une communauté bouddhiste, OKC (Ogyen Kunzang Choling), fondée par le belge Robert Spatz dans les années 1970. Au « Château de soleils » près de Castellane, au cœur des Gorges du Verdon, l’organisation rassemblait 40 à 60 enfants parfois éloignés de leurs parents mais auxquels on promettait de grandir au grand air, d’apprendre le yoga et de méditer. Le nom enchanteur du lieu et la bienveillance affichée du chef spirituel séduisaient des parents soucieux de l’épanouissement de leurs enfants. Suite de ce « conte » New Age : des « transferts d’énergie » se traduisant en fait par des abus sexuels sur mineurs, de l’emprise, de l’exploitation de travailleurs, une prise en otage d’enfants et de la fraude financière. Dès 1997, les scandales éclatent. Claudia Frey, ex-enfant de la communaué, porte plainte pour viol contre Robert Spatz. En 2010, d’autres victimes sortent du silence, comme Ricardo Mendes devenu porte-parole des victimes et qui s’est porté partie civile au procès du gourou. Ce dernier, condamné en 2020 à 5 ans de prison avec sursis par le tribunal de Liège, vit aujourd’hui à l’ombre des regards dans le sud de l’Espagne … En 2021, une autre instruction est ouverte en France et vise un autre éducateur du centre OKC.

Il était une fois un autre lama, Sogyal Rinpoché, auteur du best-seller Le livre tibétain de la vie et de la mort (1993), à qui l’on devait l’ouverture de 117 centres Rigpa dans le monde, dont un près de Montpellier. Proche du dalaï-lama, l’homme est néanmoins accusé d’avoir violenté, exploité et violé de nombreuses femmes considérées comme ses « disciples » (les dakinis) et qui devaient l’assister jour et nuit. Il semblerait que le principe de « dévotion » cher au bouddhisme tibétain puisse être amplement dévoyé par ses sages fous. La chercheuse et anthropologue Marion Dapsance avait déjà consacré un ouvrage sur ces pratiques douteuses dans Les dévots du bouddhisme en 2016 sans qu’aucun chef religieux tibétain ne se prononce sur la question.

Les auteurs du documentaire ont retrouvé des archives de 1993 sur une réunion lors de laquelle une délégation de membres présente au dalaï-lama les plaintes d’une quarantaine de femmes pour des viols commis par des lamas. Ce dernier promet d’agir après s’être tout de même exclamé qu’il ne fallait pas « mettre toute la responsabilité sur [ses] épaules ». Il n’en fera rien. De son côté, Matthieu Ricard, l’interprète français du dalaï-lama, a reçu de nombreuses lettres de victimes, notamment de victimes de Robert Spatz, lui demandant son soutien. Dans ses réponses, il prétend ne pas avoir de fonction officielle dans le bouddhisme. Ainsi, le « pauvre moine errant », comme il se présente en de pareilles circonstances, préfère taire le sujet.

Pour les documentaristes, le bouddhisme a été longtemps épargné de tout soupçon sur des dérives car il est encore perçu en Occident comme une spiritualité et non une religion. Et ce, pour des raisons historiques, à savoir la façon dont les hippies en ont construit une image tronquée dans les années 1970. A cette époque, la rencontre entre la recherche occidentale d’une science de l’esprit sans dieu et l’exportation de leur modèle spirituel par des tibétains en exil qui n’avaient que cela pour survivre à l’étranger a donné naissance à une religion qui ne dit pas son nom. 

(Sources : Arte, 05.09.2022 & JDD, 11.09.2022)

Pour regarder le documentaire Bouddhisme, la loi du silence : https://www.arte.tv/fr/videos/095177-000-A/bouddhisme-la-loi-du-silence/

  • Auteur : Unadfi