Robert Spatz

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Robert Spatz
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Robert Spatz (surnommé lama Kunzang Dorjé), de nationalité belge, né le 13 avril 1944 à Bruxelles, est le fondateur et chef spirituel de l'Ogyen Kunzang Chöling (OKC), un institut belge d'inspiration bouddhiste tibétaine, qui a essaimé en France et au Portugal. L'OKC a été répertorié par différentes commissions d'enquêtes parlementaires sur les sectes.

Biographie[modifier | modifier le code]

Robert Spatz naît à Bruxelles le 13 avril 1944[1]. A la fin des années 1960, il crée un « centre d'étude du yoga » dans sa ville natale. En 1969, il se rend à Darjeeling, dans les contreforts de l'Himalaya indien où vivent des réfugiés tibétains, et devient le disciple de Kangyour Rinpoché de l'école nyingmapa. En 1972, au retour de son dernier séjour auprès de son maître, il informe que celui-ci lui a donné le titre de « lama » et l'a incité à créer un centre d’enseignement nyingmapa en Europe, auquel Spatz donnera le nom de Ogyen Kunzang Chöling (OKC)[2],[3],[4].

En 1974, son père lui achète la « ferme dite Château de Soleils[5]» (qu'il baptisera Nyima-Dzong) près de Castellane dans les gorges du Verdon, un domaine de 111 hectares dont les bâtiments seront restaurés et réaménagés par ses adeptes. 1979 marque l'ouverture du centre OKC de Lisbonne, 1982 celui de Humkara Dzong dans le sud du Portugal et de Gyatso Dzong à Tahiti[2].

Les enfants de Nyima-Dzong[modifier | modifier le code]

Dès 1974, des disciples avec leurs enfants s’installent au Château de Soleils. Ces enfants — plusieurs dizaines — sont scolarisés sur place plutôt qu’à l’école de Castellane, ce que permet la législation française. Quelques parents y laissent leurs enfants pour travailler dans les établissements de l'OKC à Bruxelles — sans rémunération, comme le relèvent certains médias (il s'agit d'une vie communautaire). Dans les années 1990, deux enquêtes du service de la Protection de l'enfance se soldent par des non-lieux et l’école acquiert officiellement le statut d’école privée. En 1996, une première plainte est déposée pour faits de mœurs, coups et blessures sur mineur. D’autres plaintes suivront jusqu’au procès de 2016 où une vingtaine de ces enfants devenus adultes se constituent partie civile, dénonçant la prise en otage et des abus physiques et sexuels[2],[6],[7].

Enquêtes judiciaires et procès[modifier | modifier le code]

Dénonciations et suspicions conduisent le 31 mai 1997 à des perquisitions en Belgique et en France ; Spatz est arrêté et purge six mois de prison préventive. Une instruction judiciaire est ouverte en Belgique, en France et au Portugal sur la base notamment de soupçons d’enrichissement personnel et de relations condamnables avec des enfants, ce que nie l'accusé[2]. Selon les auteurs de Bouddhisme, la loi du silence, « il reconnaît avoir pratiqué des rituels, dont certains ont nécessité l'apposition des mains sur le corps de ses jeunes disciples »[8].

Portugal[modifier | modifier le code]

Les poursuites se soldent par un non-lieu à la demande du procureur[2].

France[modifier | modifier le code]

2001 : le tribunal de Digne prononce un non-lieu[9]. Mai 2021 : le parquet d'Aix-en-Provence ouvre une instruction à l'encontre d'un des disciples de Spatz, éducateur au Château-de-Soleils, soupçonné du viol d'au moins huit fillettes. Les victimes veulent aussi traduire Robert Spatz en justice[10],[11]. Septembre 2022 : le JDD du 10.9.2022 rapporte que plus de vingt-cinq plaintes ont été déposées concernant des abus commis par Robert Spatz ; quatre d’entre elles ne seraient pas prescrites. Selon ce même journal, au moins huit femmes ont porté plainte contre un adepte d'OKC qui était éducateur à Château-de-Soleils dans les années 1980-1990 ; elles l'accusent d'agressions sexuelles (l'accusé les reconnaît) et de viols (il les nie)[10],[12].

Belgique[modifier | modifier le code]

5 janvier 2016 : une vingtaine de victimes se présentent à la 89e chambre correctionnelle de Bruxelles, en l'absence de Robert Spatz, pour le début de son procès[9]. Le 15 septembre, le tribunal condamne Spatz à quatre ans de prison avec sursis et à des confiscations de plus de 4 millions et demi d'euros pour prise en otage de mineurs d’âge, d’abus sexuels sur mineurs et de faits de criminalité économique. Le tribunal attribue des indemnités à une trentaine de personnes constituées parties civiles. Spatz fait appel du jugement[10],[13],[14]. Septembre 2018 : la cour d’appel de Bruxelles casse le jugement de 2016 pour cause d'irrégularités durant l'enquête et la procédure, alléguant qu'elles ont porté atteinte aux droits de la défense[13]. Mars 2019 : le procureur veut casser l'arrêt de 2018[15]. Le dossier passe par la cour de cassation, qui ordonne son réexamen par la cour d'appel de Liège[6]. 2 décembre 2020 : après une quinzaine d'audiences, la cour d'appel de Liège condamne Spatz, qui n'a assisté à aucun de ses procès, à cinq ans de réclusion avec sursis pour le surplus de la détention préventive et à une amende de 5 500 euros pour prise d’otages, abus physiques et sexuels sur mineurs, emprise et fraude financière. Ses seconds, ainsi que l'ASBL Ogyen Kunzang Chöling sont acquittés et les confiscations de 2016 restituées[16],[17],[4]. Spatz se pourvoit en cassation. La Cour rejette son pourvoi[6].

Enquêtes de commissions parlementaires sur les sectes[modifier | modifier le code]

Voir Ogyen Kunzang Chöling

Documentaire[modifier | modifier le code]

Robert Spatz est un des principaux religieux ayant fait l'objet du documentaire diffusé le 13 septembre 2022 sur Arte, Bouddhisme, la loi du silence, dans lequel s'expriment les victimes et témoins de ses différents sévices sexuels et autres[18],[17],[19]. Le fil conducteur du film est le combat mené par Ricardo Mendes, l'une des victimes d'OKC durant son enfance et porte-parole de 23 autres victimes en partie civile au tribunal de Liège (2020) ; ils dénoncent entre autres des privations de nourriture, des sévices et des abus sexuels[20],[21].

Le documentaire montre que le 14e dalaï-lama (Tenzin Gyatso) était au courant, en tout cas depuis 1993, des accusations de sévices sexuels portées à l'encontre de plusieurs autorités du bouddhisme tibétain en Occident. Bien qu'il semble avoir toujours encouragé les victimes à dénoncer publiquement leur agresseur, les auteurs du documentaire jugent son attitude trop pusillanime, tout en relevant qu'il avait disgracié Sogyal Rinpoché en 2017 pour conduite immorale[17],[22].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Philippe Allard, « OKC : authentique centre bouddhiste tibétain ou véritable groupe sectaire? » (consulté le ).
  2. a b c d et e Bernard de Backer, « Bouddhismes en Belgique », Courrier hebdomadaire du Centre de recherche et d'information socio-politiques (CRISP), vol. n° 1768-1769, no 23,‎ (ISSN 0008-9664 et 1782-141X, DOI 10.3917/cris.1768.0005, lire en ligne, consulté le ).
  3. Elodie Emery et Wandrille Lanos, Bouddhisme, la loi du silence, Paris, JC Lattès, , 216 p. (ISBN 978-2709669948), p. 201.
  4. a et b « Secte OKC: le gourou belge écope de cinq ans de prison avec sursis », sur Le Soir, .
  5. « Plateforme ouverte du patrimoine », sur Ministère de la culture, (consulté le ).
  6. a b et c BX1 Médias de Bruxelles, « 5 ans avec sursis », sur bx1.be, (consulté le ).
  7. Belga, « Secte OKC à Bruxelles : la défense estime le procès non fondé », rtbf.be,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  8. Elodie Emery et Wandrille Lanos, Bouddhisme, la loi du silence, Paris, JC Lattès, , p. 104.
  9. a et b Julien Balboni, « Procès de la secte OKC: “Le gourou était un pervers narcissique pédophile” », sur Centre contre les manipulations mentales (CCMM), (consulté le ).
  10. a b et c Jean-Loup Adenor, « Le disciple d'un gourou New Age mis en examen pour des agressions sexuelles sur huit victimes », sur Marianne (consulté le ).
  11. « Alpes-de-Haute-Provence: ils ont vécu l'horreur au "Château de Soleils" », sur BFM TV, .
  12. Juliette Demey, « L’enquête qui épingle les dérives du bouddhisme tibétain en France », sur Le Journal du Dimanche, (consulté le )
  13. a et b Belga, « La cour d'appel de Bruxelles déclare les poursuites irrecevables dans le dossier OKC », rtbf.be,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  14. Belga, « Communauté bouddhiste OKC : Robert Spatz condamné à 4 ans de prison avec sursis », rtbf.be,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  15. J.D.S., « OKC: le procureur veut casser l’arrêt », sur L'avenir, (consulté le ).
  16. Belga, « OKC : Robert Spatz, chef spirituel de la secte bouddhiste condamné à une peine de 5 ans de prison avec sursis », La DH Les Sports+, (consulté le ).
  17. a b et c Maxime Le Roux, « Bouddhisme, la loi du silence sur Arte : Ce qu’il faut savoir sur le documentaire », sur HuffPost, .
  18. Documentaire vidéo « Bouddhisme, la loi du silence » d'Emery et Lanos, 2022.
  19. Hélène Riffaudeau, « Bouddhisme, la loi du silence, quand les bonzes abusent », sur Nouvel Obs, .
  20. Documentaire vidéo « Bouddhisme, la loi du silence » d'Emery et Lanos, 2022, minute 13.
  21. Bernadette Sauvaget, « Documentaire Violences sexuelles: le bouddhisme tibétain mis en cause », sur Libération, .
  22. Documentaire vidéo « Bouddhisme, la loi du silence » d'Emery et Lanos, 2022, minute 86’47’’.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Bernard De Backer, « Bouddhismes en Belgique », Centre de recherche et d'information socio-politiques (CRISP), nos 1768-1769,‎ , p. 45-48 (DOI 10.3917/cris.1768.0005).
  • (fr + nl) Antoine Duquesne et Luc Willems, Enquête parlementaire visant à élaborer une politique en vue de lutter contre les pratiques illégales des sectes et le danger qu'elles représentent pour la société et pour les personnes, particulièrement les mineurs d'âge : rapport fait au nom de la commission d'enquête, Bruxelles, Chambre des représentants de Belgique, 1997 :
    • Partie I (auditions), 364 p., pdf : [1], pp. 199-217.
    • Partie II (conclusions), 306 p., pdf : [2].
  • Élodie Emery et Wandrille Lanos, Bouddhisme, la loi du silence, Paris, J.-C. Lattès, , 216 p. (ISBN 978-2-7096-6994-8).
  • (en) Susan J. Palmer, « Government Raids and Child Abuse Allegations in Historical and Cross-Cultural Perspective », dans Stuart A. Wright et James T. Richardson, Saints under Siege : The Texas State Raid on the Fundamentalist Latter Day Saints, New York, New York University Press, (lire en ligne), p. 65-71.

Filmographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]