Bouddhisme : scandales sexuels sous silence

Boudhisme : scandales sexuels sous silence ©Getty - Pakin Songmor
Boudhisme : scandales sexuels sous silence ©Getty - Pakin Songmor
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Boudhisme : scandales sexuels sous silence ©Getty - Pakin Songmor
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Dans "Bouddhisme, la loi du silence" (éditions JC Lattès), deux journalistes révèlent comment l'organisation bouddhiste a passé sous silence de nombreuses violences sexuelles.

Avec

Le scandale éclabousse le sommet de la pyramide : Matthieu Ricard, bien connu en France, et même le Dalaï Lama. Trop longtemps, les sages et leaders bouddhistes ont fermé les yeux. Nos invités croisent témoignages, instructions judiciaires et investigations, exhumant les coulisses d'une religion synonyme de paix et de sérénité dans le monde entier.

Extraits de l'entretien

Ricardo Mendes, l’un des personnages de cette vaste enquête a dénoncé les abus qu’il a subis, puis il a été porte-parole des victimes de l’un de ces gourous bouddhistes, Robert Spatz. Ce dernier était poursuivi pour exploitation de travailleurs, prise en otage d'enfants et d'exploitation sexuelle.

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Des maltraitances chez des adeptes boudhistes

Ricardo Mendes témoigne : « OKC est une communauté un peu hippie qui émerge dans les années 1970 et qui va rassembler tout l'intérêt pour le bouddhisme tibétain et attirer une certaine série de grands lamas, de grands maîtres tibétains. Petit à petit, va se créer, en parallèle, la légitimité de Robert Spatz et une dérive qui instaure la séparation des parents et des enfants et une éducation complètement coupée du monde. Ma mère me laisse sur place à cinq ans. Ensuite, je l’ai vue une fois par an et pendant certaines périodes, je ne l'ai pas vue du tout.
Je suis rentré dans cette démarche de dénonciation pour protéger, les filles victimes d’abus. Puis petit à petit, je me suis engagé pour les abus que j’avais subis. »

Le Dalaï Lama savait

Elodie Emery, l'une des deux journalistes à l'origine du film raconte : « On diffuse dans le documentaire Bouddhisme,  La loi du silence qui sera diffusé sur Arte, une archive qui nous a stupéfaits. On savait qu'il y avait eu une réunion en 1993. Quand on a exhumé la vidéo, le message délivré par les enseignants bouddhistes était clair. On y voit une vingtaine d'enseignants occidentaux demander audience au Dalaï-lama. Ils lui expliquent à quel point ils avaient des ennuis graves dans leurs centres. Des maîtres buvaient énormément, ou avaient des comportements proches du viol. Ils attendent qu’il prenne une résolution, qui soit un avertissement très sévère à l'égard de ces maîtres. Ils voulaient sa signature sur une lettre ouverte. Le Dalaï lama leur répond : « Bien entendu, je vais signer, et joindre ma voix aux vôtres. Laissez ce communiqué entre les mains de mon cabinet. » Ce communiqué ne verra jamais le jour. Et quand la lettre leur revient, il n’y a pas la signature du Dalaï Lama. Il a décidé de ne pas poser son nom sur cette résolution. »

Le scandale Sogyal Rinpoché

Cet homme a constitué un empire. Il vit dans un luxe inouï entouré de disciples dévoués corps et âme, dont des jeunes filles. Ricardo Mendes explique : « La toute puissance du chef est l’un des éléments du bouddhisme tibétain, sous sa forme actuelle en Occident. On attend du disciple un manque de discernement et un abandon de l'esprit critique au profit d'un maître qui soi-disant verrait et saurait les choses à votre place. »
Elodie Emery poursuit : « Le scandale Rinpoché commence en fait dès qu'il arrive en Europe dans les années 1970. Dès cette époque, des adeptes se plaignent. Ensuite, une première plainte est officiellement déposée en 1996. Tout le monde sait. En 2008, a lieu la grande inauguration du temple phare de Sogyal Rinpoché situé dans le sud de la France. Le Dalaï lama se rend à cette inauguration, ce qui est vécu par les gens qui avaient travaillé à cette position commune comme une trahison. Tout le gratin politique français de l'époque, Carla Bruni-Sarkozy et Bernard Kouchner, Rama Yade… »

Mathieu Ricard aussi

Elodie Emery explique : « Dans notre film, un témoin explique « J'avais entre les mains 42 pages d'instruction judiciaires. Je les ai remises entre les mains de Matthieu Ricard », figure mondialement respectée du bouddhisme. On ne sait pas ce qu’il en a fait. Voir à quel point les autorités bouddhistes, et notamment Matthieu Ricard, qui est vraiment la figure bouddhiste la plus connue, ont été avertis à maintes reprises… Et qu’ils n’ont rien fait, nous a beaucoup étonné. Ricardo, a envoyé des mails. Le personnage qui raconte cette histoire de pages d'instruction dans le film a envoyé des lettres recommandées. Moi, j’ai reçu une fin de non-recevoir.

J'ai longtemps cherché à contacter Matthieu Ricard depuis que j'ai commencé à enquêter sur cette histoire, en 2011. Je n’ai longtemps pas du tout eu accès à lui. Il ne voulait absolument pas parler de ce sujet. On a fini par se parler en 2017, quelques jours avant que le Dalaï Lama lui-même désavoue Sogyal Rinpoché, vraiment contraint et forcé. Nous faisons deux heures d'interviews de Matthieu Ricard face caméra. Mais ses avocats interviennent avant la programmation du film. L'entretien est retiré du documentaire. Il en reste néanmoins des verbatim dans le livre à paraitre demain. »

La suite (Une économie du don, le déplacement d’une communauté OKC qui a conduit à un non-lieu dans le procès en France, les raisons de notre non-croyance de ces pratiques dans la communauté Boudhiste…) est à écouter...

Droit de réponse

Matthieu Ricard a souhaité réagir après la diffusion de cette émission

L'équipe

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