Commission d'étude

COMMISSION D’ÉTUDE mandatée par L’Arche Internationale –  30 janvier 2023

Emprise et Abus

Enquête sur Thomas Philippe et Jean Vanier

Travaillant depuis l’automne 2020, la Commission d’Étude mandatée par L’Arche Internationale s’est attachée à éclairer les mécanismes de l’emprise psychologique et des abus sexuels dont ont été accusés Thomas Philippe et Jean Vanier. Indépendante, composée de six chercheurs de différentes disciplines (histoire, sociologie, psychiatrie, psychanalyse, théologie), la Commission d’Étude a été libre de ses choix de méthode, de ses sources, de ses interprétations et de ses conclusions. Elle s’est réunie tous les mois pendant plus de deux ans, permettant à chaque membre de partager l’avancée de ses recherches et de bénéficier d’échanges interdisciplinaires.

La Commission a obtenu le soutien de toutes les institutions archivistiques sollicitées, ce qui a permis d’asseoir l’enquête sur une base documentaire considérable.

L’étude de la Commission repose également sur un vaste corpus d’entretiens : 119 entrevues avec près de 90 interlocutrices et interlocuteurs équivalant à plus de 200 heures d’écoute. Ce sont à la fois des personnes pouvant être considérées comme victimes de relations abusives avec Jean Vanier, Thomas Philippe ou d’autres initiés aux croyances et pratiques « mystico-sexuelles » du noyau sectaire dont le rapport retrace l’histoire ; mais aussi des témoins de l’histoire de L’Arche, particulièrement dans la communauté d’appartenance de Jean Vanier et Thomas Philippe à Trosly-Breuil ; des proches de Jean Vanier ; ou des membres de L’Arche ayant occupé des postes à responsabilité. Les livres de Jean Vanier, largement diffusés, ont fait également l’objet d’une lecture critique attentive.

Écouter pour comprendre, relire pour analyser : tels ont été les buts des auteurs de ce rapport. La Commission tient à rendre public, sous sa propre responsabilité, le résultat de son enquête, de sorte que cesse toute culture du secret et que les ressorts de ces mécanismes d’emprise et d’abus sexuels soient pleinement mis au jour.

Télécharger la synthèse

Vous trouverez ici la synthèse du rapport. Si cette dernière reprend les principales conclusions et hypothèses du rapport, seul celui-ci, avec ses analyses approfondies et précisément documentées, fait foi et engage ses auteurs. Nous recommandons à ceux qui liront seulement la synthèse, de lire aussi l’introduction et la conclusion du rapport, qui complètent la synthèse de façon significative.

L'Arche Internationale réceptionne le rapport

Les membres de la Commission

La Commission est composée de six chercheurs qui sont les auteurs du rapport.

Bernard Granger est psychiatre et psychothérapeute, professeur à l’Université Paris Cité et responsable de l’unité de psychiatrie de l’hôpital Cochin, membre de l’Association française de thérapies cognitives et comportementales. Il a fondé et dirigé la revue Psychiatrie, Sciences humaines, Neurosciences. Il est membre du conseil de surveillance de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris depuis 2015. Il fait partie de la commission d’expertise indépendante de conseil aux évêques confrontés à des prêtres accusés de pédophilie dans leur diocèse. Il fait également partie de l’instance nationale de médiation pour les personnels des établissements publics de santé, sociaux et médico-sociaux. Ses travaux portent notamment sur le harcèlement moral en milieu professionnel et sur les troubles de la personnalité.

Nicole Jeammet a une double formation psychanalytique et théologique. Elle est maître de conférences honoraire de psycho-pathologie à Paris V et a enseigné au Centre Sèvres. Elle a exercé comme psychothérapeute de mères et d’enfants au Centre de Guidance du Pr M. Soulé et à la Fondation Vallée. Qu’est-ce qu’une vie bonne ?, qu’est-ce qu’aimer ?, qu’est-ce qu’une relation juste à l’autre ?, ainsi que la question de Dieu sont les thèmes qu’elle explore à travers ses nombreux ouvrages. Citons notamment La Haine nécessaire (PUF, 1989) ; Les Destins de la culpabilité (PUF, 1993) ; Les Violences morales (Odile Jacob, 2001) ; Amour, sexualité, tendresse : la réconciliation ? (Odile Jacob, 2005) ; Le célibat pour Dieu (Le Cerf, 2009). Avec Ph. Jeammet, elle a écrit Lettre aux couples d’aujourd’hui (Bayard, 2012) et, paru en février 2021, Sommes-nous tous violents ? (Eyrolles) en coécriture avec Ph. Haddad, G.-H. Masson et Tarik Abou Nour.

Florian Michel est agrégé d’histoire et docteur en histoire et sciences religieuses, il est professeur des universités en histoire contemporaine à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Il dirige le centre Pierre-Mendès-France depuis juin 2016. Au sein de l’École d’histoire de la Sorbonne, il est rattaché à l’UMR-SIRICE (Sorbonne Identités, relations internationales et civilisations de l’Europe). Il enseigne l’histoire de l’Amérique du Nord, l’histoire des relations internationales et l’histoire des religions et de la laïcité. Il a publié notamment La pensée catholique en Amérique du Nord (DDB, 2010), Traduire la liturgie (CLD, 2013), Diplomatie et religion (Sorbonne, 2016), une biographie consacrée à Étienne Gilson (Vrin, 2018). Il a co-dirigé le volume À la droite du Père. Les catholiques et les droites en France depuis 1945 (Seuil, 2022). Il est vice-président du Cercle d’études Jacques et Raïssa Maritain.

Antoine Mourges est professeur d’histoire-géographie dans l’enseignement secondaire. Il a vécu de 2001 à 2005 dans une communauté de L’Arche (Le Caillou Blanc, Finistère). En 2009, il a réalisé sous la direction de Michel Fourcade un master d’histoire religieuse consacré à la genèse des communautés de L’Arche fondées par Jean Vanier. Ce travail l’a conduit à produire la première étude historique consacrée à l’« école de sagesse » de l’Eau vive (1946-1956), initiée par Thomas Philippe. Depuis septembre 2017, il poursuit un travail de doctorat consacré à l’histoire de la congrégation des Petits Frères de Jésus (1926-1966) sous la direction de Michel Fourcade à l’université Paul Valéry Montpellier III. À la demande de L’Arche internationale, il a participé en 2019 aux premières recherches sur l’implication de Jean Vanier dans les dérives de Thomas Philippe et a produit un premier rapport historique (inédit) dont les conclusions ont été reprises lors des révélations de février 2020 concernant Jean Vanier.

Gwennola Rimbaut est docteure en théologie (thèse sur le spirituel anthropologique et son articulation à la foi chrétienne). Outre sa mission d’enseignement de la théologie pratique à la Faculté de Théologie catholique d’Angers (UCO), elle a occupé différentes responsabilités pastorales dans le monde hospitalier et de la santé. Actuellement, elle continue la réflexion théologique à partir de la parole des personnes en précarité, en particulier avec le Centre Sèvres (Faculté Jésuite de Paris) et avec diverses associations sur le terrain. Elle a notamment publié : Les pauvres, interdits de spiritualité ? La foi des chrétiens du Quart Monde (L’Harmattan, 2009), Soutenir une démarche spirituelle en milieu hospitalier, (Novalis/Lumen Vitae, 2006). Qu’est-ce qui fait vivre encore quand tout s’écroule ? Une théologie à l’école des plus pauvres, Étienne Grieu, Gwennola Rimbaut et Laure Blanchon (dir.) (Lumen Vitae, 2017).

Claire Vincent-Mory est docteure en sociologie, post-doctorante au Centre d’études européennes et de politique comparée (CEE) de Sciences Po et membre de l’Institut Convergences Migrations. Depuis sa thèse de doctorat soutenue en 2018 à l’Université Paris Nanterre, ses recherches se consacrent à la compréhension des formes et des enjeux de la participation, de la représentation et de la reconnaissance des groupes minorisés dans les arènes politiques, associatives ou institutionnelles (en particulier issus des migrations, ethno-raciaux, religieux et porteurs de handicaps) dans l’espace public en Europe. Elle participe à plusieurs projets de recherche internationaux (INCLUSIVEPARL, REPCHANCE). Sur ces sujets, elle a notamment co-dirigé un ouvrage intitulé Le religieux au prisme de l’ethnicisation et de la racisation, paru en 2019 aux éditions Pétra, et publié différents articles et chapitres d’ouvrage.
https://www.researchgate.net/profile/Claire-Vincent-Mory

Leur travail a été soutenu et enrichi par celui de deux personnalités extérieures au champ de la recherche.

Erik Pillet a réalisé un travail indispensable de coordination, d’appui opérationnel et de liaison (avec L’Arche, le conseil scientifique, les interlocuteurs extérieurs, etc.). Il est retraité et a récemment quitté sa responsabilité de directeur de la communauté de L’Arche en Pays Toulousain qu’il a fondée en 2012 avec son épouse. L’essentiel de sa carrière professionnelle s’est passé dans le domaine des ressources humaines au sein de grandes entreprises (Alcatel, France Telecom et Airbus). Il est compagnon de route de L’Arche depuis 40 ans et a notamment été Président de L’Arche en France de 2004 à 2011.

Alain Cordier a joué le rôle précieux d’interlocuteur et de discutant des travaux de la Commission, en faisant bénéficier ses membres de son regard et de son expérience, notamment au sein de la CIASE. Il est Inspecteur général des finances honoraire, administrateur de France Parkinson, des Amis de L’Arche, du Fonds pour l’innovation en immuno-pathologie. Il a notamment été membre de la Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l’Église (CIASE), membre du collège de la Haute Autorité de Santé et président de la commission des stratégies de prise en charge, vice-président du Comité consultatif national d’éthique, président du Conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine, président du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, président du directoire de Bayard presse et directeur général de l’Assistance publique – hôpitaux de Paris.

Le comité scientifique

La Commission a rendu compte régulièrement de l’avancée de ses questionnements, de ses choix méthodologiques et des résultats de ses analyses à un comité scientifique composé de spécialistes reconnus des thématiques abordées par l’enquête : Marie Balmary, psychanalyste ; Céline Béraud, sociologue et directrice de recherche à l’EHESS ; Guillaume Cuchet, professeur en histoire contemporaine à l’Université Paris 1 Panthéon- Sorbonne ; Karlijn Demasure, théologienne, professeure à l’Université Saint-Paul à Ottawa, Canada ; Véronique Margron, sœur dominicaine et prieure provinciale de France, doyen honoraire de la Faculté de Théologie de l’Université Catholique de l’Ouest, présidente de la CORREF ; Christian Salenson, théologien, prêtre du diocèse de Nîmes et directeur de l’Institut de sciences et théologie des religions de L’Institut catholique de Méditerranée à Marseille ; Jean Guilhem Xerri, biologiste et psychanalyste.

Déontologie

La Commission d’Étude de L’Arche a poursuivi un objectif d’enquête scientifique. Elle n’est ni une cellule d’écoute psychologique, ni un organe d’investigation visant à la construction d’un dossier en vue d’une procédure judiciaire, ni une instance experte visant à offrir une aide à la décision opérationnelle en formulant préconisations ou recommandations.

La campagne d’entretiens a suivi un protocole respectant toutes les normes déontologiques en vigueur dans les disciplines concernées par le travail de la Commission, parmi lesquelles : transparence et information préalable et complète des enquêtés ; respect absolu des préférences exprimées par chaque personne contactée (en matière de faisabilité de l’entretien, conditions d’entretien, confidentialité) ; signature d’un formulaire de consentement proposant plusieurs options en matière de confidentialité, d’anonymisation et de conservation des données ; aucun enregistrement d’entretien sans autorisation préalable et explicite de chaque interviewé.

Les préférences en matière de confidentialité et d’anonymat de chaque personne interviewée ont été strictement respectées. Ce respect explique la diversité des modalités de citations dans le rapport.

La Commission a suivi une démarche déontologique particulière vis à vis des personnes se présentant comme victimes ou survivantes de situations d’emprises et d’abus. Cette démarche a été définie avec les conseils éclairés de professionnels de l’accompagnement de personnes victimes ou survivantes de situations d’emprises et d’abus.

  • À partir d’un protocole commun, la prise de contact, l’établissement du dialogue (modalités, rythme, outils) et la définition de conditions d’entretien sécurisantes et conformes aux préférences de chacune et chacun ont été construites au cas par cas.

 

  • La construction préalable d’une relation de confiance a notamment consisté à s’assurer que les interviewés possédaient un environnement capable de les soutenir (accompagnement psychologique notamment) et si besoin de les « réceptionner » après un entretien avec un ou plusieurs membres de la Commission.

 

  • La Commission a informé les personnes entendues en entretien de l’existence et du rôle d’instances d’écoute de victimes ; elle a tenu des contacts à leur disposition. Chaque fois que des faits portés à sa connaissance lui ont semblés susceptibles de poursuites judiciaires, la Commission a alerté les personnes concernées, a tenu à leur disposition les contacts ad hoc, et n’a rien publié dans son rapport sans leur accord explicite.

 

  • Chaque personne victime d’emprise ou d’abus citée dans le rapport a eu connaissance, au cours du processus de rédaction du rapport, des extraits d’entretien ou de correspondance que la Commission souhaitait mobiliser. Chacune a eu la possibilité de demander la modification, voire l’enlèvement, des citations en question. Le souhait de chacune a été respecté.