« Jadot, le paysan et les Tortues Ninja »

TRIBUNE. L’écrivain Jean-Paul Pelras, ancien maraîcher, dénonce les contre-vérités assénées en campagne par Yannick Jadot, l’accusant de jouer sur les peurs.

Par Jean-Paul Pelras*

Temps de lecture : 4 min

À l'heure où le monde paysan appelait à manifester pour dénoncer à la fois les pertes de revenus, la hausse des matières premières, l'hégémonie des distributeurs et les dogmes environnementaux, Yannick Jadot s'est exprimé sur France Info pour s'en prendre une nouvelle fois aux pratiques agricoles. C'est à se demander ce qu'il lui restera à raconter le jour où il n'y aura plus de paysans à stigmatiser. Scénario hautement envisageable si les écologistes continuent à dénigrer ceux qui tentent de protéger leurs cultures pour maintenir leur compétitivité et assurer, est-il nécessaire de le rappeler à ceux qui ont perdu le sens des priorités, l'autonomie alimentaire des Français.

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Car c'est évidemment sur les épandages de produits phytosanitaires que le candidat à l'élection présidentielle a jeté son dévolu en évoquant, cette fois-ci, les maladies infantiles. « On met aujourd'hui nos enfants dans des environnements qui les rendent malades. On a une épidémie de cancers pédiatriques, comme on a une épidémie de maladies chroniques liées à cette pollution environnementale. » Et le journaliste de l'interrompre : « Ça reste pour l'instant inexpliqué… » « Parce que personne ne veut chercher », répond Jadot, en renvoyant la responsabilité sur Santé publique France et en évoquant les « spécialistes qui disent que l'exposition à plusieurs molécules chimiques est considérée officiellement comme cancérigène ».

De toute évidence, fin connaisseur de nos campagnes et des techniques agricoles, profitant du prisme médiatique qui lui est offert par le service public, Jadot rajoute : « Des épandages à 3 mètres avec des agriculteurs habillés comme des Tortues Ninja pour ne pas être contaminés par l'utilisation des pesticides. Et on laisse les enfants courir dans les jardins. »

Les agriculteurs, responsables des cancers des enfants ?

En quelques secondes, le politicien, en usant d'arguments ultrasensibles puisqu'ils concernent l'enfance, est parvenu à diaboliser le monde agricole. Et pourtant, fin 2019, toujours sur France Inter, le même député européen déclarait avec un aplomb incroyable : « S'il y a une formation politique qui est depuis des années aux côtés des éleveurs, de l'ensemble des paysans, ce sont les écologistes. C'est nous qui les défendons. » « On sort des pesticides, on installe 200 000 paysans ou plus dans notre pays. »

Des déclarations contradictoires et dépourvues de tout argument professionnel jetées aux quatre vents des sensibilités actuelles avec des éléments de langage anxiogènes comme unique carburant. Jadot, une fois de plus, déambule aux limites de l'honnêteté intellectuelle en situant l'agriculture française en apostille des jardins publics, comme si les paysans passaient leur temps à pulvériser sciemment des phytosanitaires à proximité des terrains de jeu, des squares, des crèches, des cours de récréation…

Mensonges et manipulations

Il fait référence à « des études scientifiques » sans étayer son propos… Et sans mentionner, bien sûr, que ces études concernent des pays étrangers. En réalité, il n'y a pas d'explosion des cancers pédiatriques en France : leur incidence est stable depuis plus de vingt ans. À l'instar, finalement, des « pisseurs de glyphosate », qui sont parvenus, avec des résultats bidons et un labo militant, à dresser une partie de la population contre l'agriculture conventionnelle. Celle qui, de toute évidence, ne doit pas être la seule à balayer devant sa porte puisque régulièrement des produits bio sont retirés en urgence des linéaires, comme ces temps-ci des salades de carottes ou de betteraves commercialisées chez Leclerc. Rappelons à ce titre que le budget mensuel alimentaire d'une famille est de 450 euros contre 1 148 euros pour les adeptes du bio. Ceci expliquant en partie cela, le bio n'a plus la cote, ses ventes ont reculé de plus de 3 % en un an, avec des répercussions sur la quasi-totalité des filières AB, qui doivent désormais gérer les excédents. Une précision économique et quelques entorses à l'angélisme verdoyant qui semblent échapper totalement au discours de l'écologiste.

Les bien-pensants environnementalistes avec, à leur tête, Yannick Jadot et Benoît Biteau, devraient, s'ils souhaitent vraiment dénoncer l'impact des pesticides sur la santé, s'intéresser plutôt aux produits importés en provenance des pays de l'Est, d'Espagne, du Mercosur ou du Maghreb. Ils devraient aller vérifier si au Maroc, au Brésil, au Sahara occidental ou en Andalousie, les agriculteurs ressemblent aussi à des Tortues Ninja et, pourquoi pas, le signifier directement à Pedro Sanchez, à Jair Bolsonaro ou à Mohammed VI.

Évidemment, il est plus facile et certainement moins risqué de désigner le vigneron bordelais, l'arboriculteur catalan, l'éleveur aveyronnais, le producteur laitier normand, le céréalier orléanais ou le maraîcher breton. Reste à savoir comment la FNSEA, les JA et la Coordination rurale vont réagir aux propos de l'écologiste, à l'heure où notre agriculture perd pied face aux environnementalistes dans un contexte politique où l'émotion l'emporte de plus en plus systématiquement sur la raison.

*Jean-Paul Pelras est écrivain, ancien syndicaliste agricole et journaliste. Rédacteur en chef du journal L'Agri des Pyrénées-Orientales et de l'Aude, il est l'auteur d'une vingtaine d'essais, de nouvelles et de romans, lauréat du prix Méditerranée Roussillon pour Un meurtre pour mémoire et du prix Alfred-Sauvy pour Le Vieux Garçon. Son dernier ouvrage, Le Journaliste et le Paysan, est paru aux éditions Talaia en novembre 2018.

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Commentaires (34)

  • DominiqueD2B

    Yannick Jadot et ses amis se servent d’un problème réel pour militer sur des sujets qui n’ont rien à voir avec la cause initiale. Les revendications de ce parti reposent sur des interprétations militantes qui ne sont en rien des réponses aux problèmes écologiques. L’ennui est que même les gouvernements s’y trompent. L’effet écologique des éoliennes sera probablement négatif pour nos paysages. Nous verrons que les voitures électriques aurons des conséquences écologiques négatives que nous ne percevons pas encore. L’abandon du nucléaire est sans doute néfaste du point de vue écologique (voir l’Allemagne). Quant aux oukases écologiques interdisant le tour de France, les sapins de Noël ou le foie gras, ils ne relèvent que du ridicule militant. Ce parti a discrédité sa cause, et c’est bien dommage.

  • claide

    @yeti68, merci de nous fournir les sources des études que vous mentionnez

  • Profmmri

    Très très bon article
    ce Jadot si l’on jette un oeil sur son CV, n’a jamais fait rien d’autre que de l’écologie politique ou se faire grassement payer par des ONG (Greenpeace, Oxfam, )

    Aussi incapable que Hulot qui n’avait aucun diplôme et qui ne devait pas savoir que son hélicoptère et ses grosses berlines personnelles ne dégageaient pas de CO2!
    Jadot est aussi incapable de comprendre l’écologie véritable
    pour juger ses compétences il faudrait lui poser la question sur les différences entre pesticides et fongicides et lui faire passer un test QCM sur ses connaissances en énergie et en agriculture