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Vignerons révolutionnaires : les frères Puzelat, les rebelles de Cheverny

Le Clos du Tue Bœuf et ses vins « paysans » sont plus connus à Tokyo et New York qu’en Val de Loire. L’histoire d’une guerre aux pesticides.

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Le succès ne semble pas monter à la tête de Thierry et Jean-Marie Puzelat, qui dirigent désormais un petit domaine de 13 hectares

Par Stephane Frachet

Publié le 27 août 2017 à 12:33

A coup sûr, Jean Puzelat était un père autoritaire. L’histoire récente du Clos du Tue Bœuf a quelque chose à voir avec ce combat si fréquent entre un père sûr de son fait et ses deux fils, Jean-Marie, l’aîné, et le second, Thierry. Ce dernier a même fini par s’exiler sur les collines du Var, jusqu’à devenir chef de culture au domaine du Castellet, le célèbre rosé de Bandol. C’était il y a plus de vingt ans. « La Loire, la forêt et l’odeur de la mousse après la pluie me manquaient. J’en avais marre des plantes qui piquent. Je suis rentré pour aider mon frère à reprendre le domaine familial », raconte-t-il, plus de vingt ans après son retour à la vigne natale aux Montils, près de Blois (Loir-et-Cher).

A cette époque-là, en 1994, Thierry et Jean-Marie s’unissent pour relancer les sept hectares et demi que leur père exploite sur l’appellation « Cheverny », loin d’être la plus connue du Val de Loire. En deux ans, ils les convertissent au bio. Ils sont parmi les pionniers de tout le Val de Loire. « Le père ne décramponnait pas. Il avait un œil sur tout et comme il était partisan des traitements, c’est vite devenu l’enfer », raconte sans ambages Thierry Puzelat, cinquante et un ans. Derrière, l’aîné, Jean-Marie, opine. Après coup, le quinquagénaire n’en veut pas à son paternel : « Il était formaté par l’après-guerre, par l’obsession de la productivité. Il avait connu le labourage à cheval, forcément le désherbant était un symbole du progrès. Même si nos parents n’avaient qu’un SMIC pour deux, il engloutissait des fortunes dans les produits phytosanitaires. »

Levures naturelles

Les deux frères ont pris le contre-pied en produisant des vins « sains et honnêtes, pour arrêter d’empoisonner nos clients et la terre qu’on laisse à nos enfants ». Fini, les herbicides, stop aux pesticides. Vive la vie du sol, les levures naturelles, vive le vin paysan ! clame en substance Thierry Puzelat, le plus loquace des deux.

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Sauf que, sur les bords de Loire, le gel et les printemps capricieux jouent des tours aux partisans du bio. La première récolte fut sans raisin, à cause d’un sérieux épisode de grêle, et ils s’apprêtent à vivre une vendange 2017 étique. « Durant le gouvernement Jospin, les aides à l’agriculture bio nous ont aidés à encaisser les pertes. Au début, on a vivoté, admet-il. On s’est raté parfois, on a bricolé. Ce mode de culture impose plus de précision, du matériel adapté, pour ne pas blesser les vignes lors du labourage, par exemple. Si c’était à refaire, on s’endetterait pour acquérir le matériel adéquat. »

Assez vite, ces vins « singuliers » ont séduit. D’abord à Paris, où Thierry a démarché les cavistes spécialisés, chaque semaine. Puis très vite à l’export. « Le certificat de vin bio nous a ouvert des portes aux Pays-Bas et en Allemagne, puis très vite au Japon et aux Etats-Unis. Aujourd’hui, on ne peut plus répondre à la demande », explique Thierry Puzelat.

Plus de vingt ans après, on a peine à croire que ce Clos du Tue Bœuf, dont les bouteilles partent de la cave entre 8 et 18 euros, est vanté par une kyrielle de cavistes branchés et de belles plumes de la presse spécialisée, dont la « diva » du vin naturel aux Etats-Unis, Alice Feiring, farouche opposante du guide Parker. En tout cas, sur place, la ferme ne paie pas de mine. Pas besoin, elle n’est pas ouverte à la dégustation. Dans la cour, ni géraniums ni roses. Le chien de la maison traque l’ombre.

Deux amphores

Ce succès ne semble pas monter à la tête des deux frères, qui dirigent désormais un petit domaine de 13 hectares. « On continue de vendre un vin accessible à tous, il n’y a pas eu de flambée des prix », insiste Jean-Marie. En tout cas, le plus jeune continue de s’amuser. Dans une extension récente, il a enterré deux amphores dans 4 mètres d’argile à silex. « J’ai rencontré des collègues géorgiens qui sont venus nous conseiller. La Géorgie, c’est le berceau de la viticulture, on y produisait du vin il y a huit mille ans, avant les Romains et les Grecs », raconte Thierry Puzelat, fier de s’inscrire dans cette filiation ancestrale, et apaisée.

Stéphane Frachet

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