Trois jours après sa publication, la « une » du dernier Charlie Hebdo représentant Mahomet la larme à l'œil et tenant une pancarte « Je suis Charlie » continue de provoquer la colère dans le monde musulman. Plusieurs milliers de fidèles ont manifesté, vendredi 16 janvier, après la grande prière, à travers une dizaine de pays d'Afrique et du Moyen-Orient. Les manifestations se poursuivaient samedi au Niger.
La couverture du journal satirique avait suscité dès sa sortie mercredi de nombreuses critiques de gouvernements ou instances musulmanes en Egypte, à Jérusalem ou encore au Sénégal. La Tunisie, le Maroc et l'Algérie n'ont pas autorisé la diffusion de l'hebdomadaire.
- Violentes manifestations au Niger
La violente journée d'émeutes lors du rassemblement anti-Charlie Hebdo de samedi, au cours de laquelle des groupes ont incendié ou vandalisé une dizaine d'églises et des commerces appartenant à des chrétiens, s'est soldée par la mort de cinq personnes. De nombreux bars, hôtels, débits de boisson et commerces appartenant à des non-musulmans ou à l'enseigne d'entreprises françaises ont également été détruits à Niamey. L'ambassade de France avait invité ses ressortissants sur place à « éviter toute sortie ».
La veille, une manifestation à Zinder, la deuxième ville du Niger, a terminé en affrontements au cours desquels quatre civils et un policier ont été tués, et environ 45 personnes blessées. « Certains manifestants avaient des arcs et flèches, des gourdins, et ils en ont fait usage », selon un policier. Le ministre de l'intérieur nigérien a affirmé que certains manifestants « arboraient l'étendard de Boko Haram », alors qu'ils « attaquaient une église catholique ». Le centre culturel français de la ville avait également été incendié.
- Manifestation palestinienne à Jérusalem-Est
« L'islam est une religion de paix » et « Mahomet sera toujours notre guide », pouvait-on lire sur des banderoles à Jérusalem-Est, partie palestinienne annexée et occupée par Israël. Le grand mufti Mohammad Hussein, qui dirigeait la prière à laquelle environ 35 000 personnes ont pris part, n'a pas évoqué Charlie Hebdo dans son prêche. Il avait dénoncé mercredi comme une « insulte » aux musulmans la « une » de l'hebdomadaire et condamné « le terrorisme sous toutes ses formes ».
Dans la nuit, des inconnus ont également recouvert le mur d'enceinte du centre culturel français à Gaza d'inscriptions promettant « l'enfer » aux journalistes de Charlie Hebdo. Le centre est actuellement fermé après avoir été visé par deux explosions revendiquées par des islamistes et des policiers étaient positionnés samedi matin devant la porte du bâtiment.
- 2 500 manifestants dans la capitale jordanienne
Vendredi, le plus important rassemblement avait eu lieu à Amman, où 2 500 manifestants, membres des Frères musulmans et d'organisations de jeunesse, ont défilé sous haute surveillance et dans le calme, arborant des banderoles sur lesquelles on pouvait notamment lire « l'atteinte au grand Prophète relève du terrorisme mondial ».
Le roi Abdallah II, qui avait participé dimanche à la marche de Paris contre le « terrorisme », a depuis qualifié Charlie Hebdo d'« irresponsable et inconscient ».
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- Des milliers de personnes réunies à Alger
Entre 2 000 et 3 000 personnes, dont des femmes et des enfants, ont également manifesté vendredi à Alger à la suite d'appels sur les réseaux sociaux, relais d'une campagne de protestation lancée dès la publication de Charlie Hebdo mercredi.
- Plus d'un millier de manifestants à Dakar, le drapeau français brûlé
Au moins un millier de manifestants ont aussi protesté dans la capitale du Sénégal. Un drapeau français a été brûlé devant l'ambassade de France, dans le centre de Dakar. La police a lancé des bombes lacrymogènes pour disperser la foule, qui criait « Allah akbar ! ».
- Des milliers de personnes à Bamako, au Mali
Après la grande prière du vendredi, des milliers de manifestants ont convergé vers le boulevard de l'Indépendance, à Bamako, point névralgique des manifestations politiques dans le centre de la capitale malienne. L'appel à manifester était venu de prédicateurs célèbres et du Haut Conseil islamique du Mali, principale organisation islamique de ce pays à 90 % musulman, et où la France s'est militairement engagée en 2013 pour chasser des groupes djihadistes liés à Al-Qaida.
- Des manifestations dans cinq villes du Pakistan
Après la contestation contre la caricature de Mahomet publiée en « une » du dernier numéro de « Charlie Hebdo » qui a tourné à l'affrontement vendredi, des milliers de personnes ont à nouveau manifesté dimanche au Pakistan. Les manifestants ont notamment crié « Nous ne sommes pas Charlie, nous sommes Kouachi ! » et ont brûlé des effigies des dessinateurs de l'hebdomadaire satirique.
- Des centaines de musulmans rassemblés au Soudan
A Khartoum, quelques centaines de fidèles ont brièvement manifesté après la grande prière, dont certains ont scandé : « Expulsez l'ambassadeur de France, victoire au prophète de Dieu ! ». Sur une banderole on pouvait lire : « Le gouvernement français doit présenter des excuses… ».
- Appel à des « manifestations pacifiques » au Qatar
Au Qatar, l'Union mondiale des oulémas, dirigée par le prédicateur Youssef Al-Qaradaoui, considéré comme l'éminence grise des Frères musulmans, a appelé à des « manifestations pacifiques » et a critiqué le « silence honteux » de la communauté internationale sur cette « insulte aux religions ». Les autorités du pays, qui avaient fermement dénoncé l'attentat contre Charlie Hebdo, ont « condamné la nouvelle publication de dessins offensants pour le prophète Mahomet », publication qui, selon elles, alimente « la haine et la colère ».
- Un « acte irresponsable », selon le président afghan
Enfin le président afghan Ashraf Ghani – qui avait condamné la semaine dernière l'attaque contre Charlie Hebdo – s'est joint aux protestations, qualifiant la nouvelle caricature d'acte « insultant » et « irresponsable » et estimant que « la liberté d'expression devrait être utilisée de façon constructive afin de promouvoir la coexistence pacifique entre les religions ».
Les talibans afghans avaient aussi dénoncé jeudi la nouvelle publication, qui selon eux provoque « les sensibilités de près d'un milliard et demi de musulmans ».
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